Nous retrouvons aujourd’hui Yves Carra, porte-parole de Mobilité Club France, pour une chronique essentielle sur les enjeux de la mobilité en ville, un sujet qui concerne directement nos territoires en Haute-Marne et dans l’Aube. Cette semaine, nous abordons l’explosion des recettes du stationnement payant en France.
Un Milliard d’Euros : Le Nouveau Standard du Stationnement
Les chiffres d’un dossier publié dans le magazine AUTO PLUS de début octobre sont éloquents. Entre 2016 et 2024, l’estimation des recettes de stationnement payant en voirie est passée de 564 millions à plus d’un milliard d’euros !
Cette hausse vertigineuse interroge. Comment une telle augmentation est-elle possible alors que l’on constate une diminution du trafic et des places de stationnement en centre-ville ?
La réponse tient en un mot : la dépénalisation. Depuis 2018, la gestion du stationnement est transférée aux villes elles-mêmes. C’est la fin de l’amende forfaitaire unique de $17$ euros. Chaque municipalité fixe désormais librement ses grilles de tarifs, ses règles, et le montant de son Forfait Post-Stationnement (FPS). C’est ce transfert de pouvoir qui a ouvert un “open bar” pour les recettes municipales.
Pour optimiser ce rendement, de nombreuses grandes villes ont investi dans les technologies de contrôle automatique, ces fameuses voitures surnommées les « sulfateuses à PV ». Un outil très efficace, même s’il est important de noter que seules 70 villes en France y ont recours.
Une Manne Concentrée sur Trente Villes
Malgré ce milliard d’euros, toutes les municipalités n’ont pas profité de cette réforme. Le revenu est très concentré : près de 60% de ce milliard d’euros tombe dans les caisses de seulement 30 villes.
Plus largement, sur les 36 000 communes françaises, seules 665 se sont dotées d’horodateurs, soit à peine 2% du total. Dans la grande majorité de nos communes, c’est encore la zone bleue qui prévaut. Il n’y a donc pas de fatalité à faire du stationnement une source de profit excessive.
Le Palmarès des Recettes de FPS
Le palmarès des recettes issues du Forfait Post-Stationnement est sans appel, et révèle l’impact de cette gestion locale :
- Lyon se classe à la 5e place, avec une recette de 8 012 266 euros et une progression de seulement 1%.
- Marseille est passée à la 4e place avec 8,3 millions d’euros, enregistrant une progression de 19%.
- Lille arrive en 3e position avec plus de 9 millions d’euros et une progression spectaculaire de 48% !
- Nice est 2e avec plus de 10 millions d’euros.
- Mais c’est Paris qui écrase très largement ce triste podium. La capitale récolte pas moins de 178 millions d’euros de FPS.
Ces chiffres mettent en lumière une réalité économique qui impacte lourdement les usagers et, par ricochet, l’attractivité des centres-villes. Mobilité Club France rappelle son message constant : pour sauver les commerces de proximité, il est vital de laisser les citoyens circuler et se garer facilement, à un tarif juste et raisonnable. Finissons-en avec le débat sur les montants de FPS de 30 ou 50 euros. L’enjeu, c’est de préserver la mobilité de tous.
Et chez nous, en Haute-Marne et dans l’Aube ?
Ces chiffres nationaux spectaculaires ne doivent pas nous faire oublier la réalité de la mobilité dans nos territoires, comme en Haute-Marne et dans l’Aube. Si nos villes ne figurent pas dans ce palmarès du milliard d’euros, la gestion du stationnement reste un enjeu crucial pour l’attractivité de nos centres-villes.
Reprenons l’exemple de Chaumont, en Haute-Marne, qui a mis en place le Forfait Post-Stationnement (FPS) à 25 euros, un montant qui reste raisonnable et en ligne avec les villes de même strate. La municipalité a opté pour un modèle qui semble plus équilibré :
- Elle propose 680 places payantes en courte durée, mais offre surtout 1 heure de gratuité par jour et par véhicule.
- En ajoutant la gratuité entre 12h et 14h, et le soir après 18h, les automobilistes bénéficient de près de 4 heures de stationnement gratuites par jour.
- De plus, plus de 1 200 places gratuites sont disponibles à moins de 5 minutes à pied du centre.
À Troyes, dans l’Aube, la politique est similaire, visant à favoriser la rotation et l’accès aux commerces. Le cœur de la ville alterne entre parkings en voirie (avec tarification à l’heure) et des parkings en ouvrage, avec des dispositifs pour encourager le stationnement :
- Les parkings clos de surface sont gratuits entre
- 12h et 14h et la nuit.
- Certains parkings offrent même jusqu’à 2 heures 30 de gratuité pour faciliter l’accès à l’hyper-centre.
Ces exemples locaux montrent bien que toutes les communes n’ont pas fait de la décentralisation du stationnement un « jackpot ». Pour les villes moyennes, l’objectif principal est souvent de gérer la rotation des véhicules pour soutenir l’activité commerciale, et non de générer des recettes records.

Néanmoins, le message de Mobilité Club France reste le même : il faut rester vigilant sur la pression fiscale exercée par le stationnement. L’attractivité des centres-villes, qu’il s’agisse de Paris ou de nos villes de l’Aube et de la Haute-Marne, dépend d’un équilibre qui permet à l’automobiliste de circuler et de se garer facilement, à un tarif juste.